mardi 10 janvier 2012

Juste un petit mot...

C'est la fatigue qui parle en ce matin neigeux de janvier.

C'est l'exaspération de ne pas savoir. De ne pas comprendre. De ne pas deviner. De ne pas accepter, parfois, la réalité. De vouloir que ça change vite, que ça se mette à débouler, les progrès fulgurants et que ça nous surprenne, un beau matin, comme le fait la loterie avec certaines personnes qui ont le bon billet au bon moment.

C'est le fait d'avoir un enfant différent, un enfant non-verbal. Mais pas assez différent pour être sourd et muet et pour qu'on lâche prise sur le fait qu'il ne parle pas... Parce qu'il a TOUT pour parler: une bouche, une langue, des dents (ah ça oui, il en a des dents, hein!) et même un cerveau pour coordonner les muscles et dicter aux mandibules les mouvements appropriés pour émettre des sons qui deviennent des mots qui deviennent des phrases qui deviennent un baume sur un cerveau de mère en distorsion sporadique.

Ce qui me rassure, c'est que X-Man vit les mêmes désespoirs au même moment. Le petit est en forme (bon pas depuis trois jours, mais hé, ne généralisons pas), il fait des progrès moteurs fabuleux. Depuis le retour des fêtes, on le laisse dans le corridor à la sortie de sa chambre et on lui dit de venir nous rejoindre pour jouer dans la cuisine. Ce qu'il fait, du haut de sa démarche à trois pattes de plus en plus élégante. Et ça, c'est tout un progrès, mes amis. De voir fiston se déplacer sans être obligés de se mettre à son niveau et de l'attirer centimètre par centimètre, ça te requinque le moral assez rapidement. X-Boy est maintenant capable de venir chercher son gobelet de lait ou de jus sur sa chaise et il part seul chercher ses jouets préférés, même s'ils sont au fond de la pièce.

Il y a même un matin, le 2 janvier (ce sera noté au coeur de mes pensées toute ma vie) où, alors que je me suis réveillée plus tard que mes deux hommes, j'ai eu l'infime honneur d'être assez attirante pour que X-Boy vienne à moi sans que je n'aie à brandir un jouet lumineux ou à crier "go go go!!!" afin de le stimuler.

Je suis apparue dans l'entrée de la salle à manger et quand X-Boy m'a vue, il a crié de bonheur et m'a rejointe en moins de une minute. J'étais sous le choc, mais le bon choc électrique qui fait de X-Boy "mon-garçon-que-j'aime-plus-que-tout-au-monde.

***

Mais les chocs, c'est une drogue. Et j'en voudrais d'autres ces jours-ci. Je voudrais que X-Boy me dise ce qu'il a quand il pleure ainsi. Qu'il pointe avec ses doigts là où il a mal. Qu'il fasse oui ou non de la tête quand je lui demande s'il a mal là ou là ou là... Qu'il me dise: "je n'ai jamais aimé ça, les pois, maudite fatigante!", qu'il me murmure qu'il veut aller se promener au parc, qu'il me dise si sa couche déborde et que c'est froid, des pantalons mouillés.

Bref, je voudrais qu'il me communique ses besoins, ses intentions, ses préférences et ses colères. Mais pas en pleurs et en regards dévastateurs. Avec des mots, des gestes, une lettre au Père Nowëllll. Je sais pas moi, mais que je puisse le décoder sans consulter les instances médicales lorsqu'il a mal, X-Boy. Lorsqu'il a un gros bobo qui le fait arrêter de manger, de boire et de presque respirer.

***

Autour de moi, les parents se plaignent parfois que leurs enfants sont des moulins à paroles. Que du matin au soir, ils posent des questions. Que tout le long d'un trajet en voiture, ils piaillent et que ça devient insupportable. Et je les comprends. J'éprouverais la même lassitude et je rêverais d'un peu de silence.

Mais en même temps, je remercierais les instances haut placées dans les nuages inaccessibles d'avoir donné ce pouvoir des mots "sonores et concrets" à mes enfants. Je remercierais la vie d'avoir eu cette "normalité".
Et je me coucherais le soir en soupirant et en étant heureuse de retrouver la "sainte paix" = le silence du guerrier.

***

Ma maison est remplie de silences. Et de sons mignons, mais indéchiffrables.

***

Je cherche un décodeur.

Et un peu de paix dans mon coeur.

***

Car l'espoir est là, toujours. Mais le temps aussi.

Et le temps, ben, il me fait chier avec sa lenteur ce matin.

***

Fallait que ça sorte. C'est même une prescription de X-Man. "Ça me ferait du bien, à moi aussi, que tu l'exprimes par écrit, cet état de colère, tu sais."

***

C'est fait X-Man.

***

On peut passer à un autre sujet. Yé.

4 commentaires:

  1. J'espère que ça t'as fait un grand bien. Je ne sais pas ce qu'est ce long silence, mais je compatis quand même.
    Je ferai une minute de jasette en ton honneur aujourd'hui et je promets de garder le sourire même quand Bébé fille me posera trois millions de questions pendant que j'essaierai tant bien que mal d'enfiler le pyjama à un Bébé fiston hurleur.
    Promis :)

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  2. Ouf. Merci de partager, c'est tellement sain et généreux et humble de ta part. Ça me donne le goût de me mettre à temps plein sur la création d'un décodeur à bambin-mignon. J'ai comme ce besoin urgent de te parler, je pense très souvent à vous ces temps-ci. Tu veux qu'on se jase bientôt pour faire sortir la vapeur? Bisous xxxx

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  3. Bonne idée X-Man, je suis certaine que cela lui a fait du bien, à moi aussi.

    Je pleure devant mon écran, ton texte était la goutte qui manquait pour que ça coule.

    Des fois, c'est bon, ça fait toujours du bien.
    Après.

    Solidairement, une autre qui parle plusieurs langues (fillette, fiston et papi)
    xxx

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  4. Un amoureux qui t'encourage dans les moments moins l'fun, quoi demander de mieux! Bon soufflage! xox

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