jeudi 27 juin 2013

Du lilas et des balançoires...

Encore une histoire de bonté, de vieillesse et surtout, de beauté.

***

Quelques jours après le téléphone de la donatrice-anonyme, j'ai reçu un autre appel d'une certaine Marguerite (un pseudo) qui m'annonçait bien gentiment qu'elle et son mari voulaient nous aider en nous faisant un don. Elle m'expliqua qu'ils n'avaient pas de voiture et qu'ils ne pourraient assister à la soirée d'improvisation. Qu'ils n'avaient jamais eu la chance d'avoir des enfants mais qu'un des petits-enfants de la famille avait combattu un important cancer et que la générosité des gens avaient permis aux parents de ne pas travailler pour s'occuper adéquatement de leur fils.

D'emblée, j'étais sous le charme et l'émotion. Au bout du fil, la voix de Marguerite se faisait timide et chevrotante, mais je pouvais y déceler un sourire qui ne devait pas disparaître, même une fois la nuit tombée. Je lui ai donc proposé de nous envoyer un chèque par courrier et je lui ai donné mon adresse. Elle m'a rappelé quelques minutes plus tard: son mari ne faisait pas confiance à la poste. Ce avec quoi je ne pouvais lutter, on ne sait jamais et bon, je rêvais d'aller les rencontrer, bien secrètement.

Ainsi, un dimanche avant-midi de la fin mai, nous nous sommes rendus chez Marguerite et Flavien (des pseudos) avec à bord de la voiture, un X-Boy au nez rougi par une morvite débutante. Nous avons roulé dans des petites rues d'un quartier inconnu, charmés par l'environnement chargé d'arbres et de fleurs. Puis, nous avons vu leur maison. Elle était comme je l'imaginais. Modeste, mais oh si bien entretenue. À l'image des propriétaires, la preuve s'en est faite par la suite.

Devant nous, se dressait donc une bien jolie maison mobile à la devanture revampée et aux arbres bien taillés. Un petit chemin de pierres menait à l'escalier. Pas de cour asphaltée, à quoi ça sert quand on n'a pas d'automobile. X-Man était bien gêné et moi aussi. Ce n'est pas tous les jours que nous allons "ramasser de l'argent" chez des inconnus. J'ai pris les devants, X-Man a pris X-Boy et nous avons marché sur les pierres encore humides par la rosée de cette journée à la température déjà très élevée.

Derrière la porte est apparue Marguerite. Une chevelure toute blanche, bouclée et des yeux d'un bleu de mer. Un visage ridé, des seins aux hanches, bien à l'aise sous une longue robe ample lilas avec des fleurs blanches. Ses bras étaient plissés de partout, je suis devenue très émue. La vieillesse est d'une beauté, pourquoi vouloir toujours cacher les rides et le passage du temps? Flavien est apparu derrière Marguerite. Un grand gaillard, un crâne dégarni, de grandes lunettes qui laissaient voir des yeux pétillants et toujours humides, comme si ce Flavien avait un fleuve dans le regard. Marguerite nous a tendu la main, Flavien aussi. Les présentations se sont faites rapidement, ils nous ont invités à nous asseoir quelques minutes.

Autour de nous, des pièces décorées presque à outrance, mais avec un nécessaire indicible. Les murs de la cuisine étaient lilas, ceux du salon de deux teintes plus foncées et toutes les moulures de bois étaient peintes d'un blanc pur. Aucune trace de doigt, aucune tache sur les meubles. Aucune poussière. Des bibelots en forme d'anges dodus, des chats en fausse fourrure en guise de compagnon sur les sofas, deux ou trois horloges toutes à la même heure, mais avec un son différent. Sur la table, aucun papier, aucun circulaire. Que nos cinq paires de mains encore un peu timides d'engager la conversation. C'est X-Boy qui a parlé le premier. Il a tenté d'attraper le napperon au centre de la table sur lequel reposait un vase ou un pot blanc, peu importe. Les sourires se sont réveillés, les discussions se sont entamées.

Marguerite regardait avec tendresse X-Boy, qui, une fois par terre, s'est dirigé à la vitesse de la lumière vers un pouf balançant sur lequel avait été déposé la manette de télévision. Flavien a toussoté, X-Boy ne pourrait jouer avec la zapette. Un homme, peu importe son âge, est maître de ce bidule. Soit. J'ai enlevé l'objet-tentation et X-Boy s'est dirigé vers la chaise berçante pour en retirer le coussin poilu qui y avait été déposé. Flavien et Marguerite ont souri: X-Boy avait trouvé son jouet.

Flavien portait deux appareils auditifs et il semblait un peu perdu lorsque X-Man et moi parlions. X-Man, d'un tact exemplaire, lui a demandé si on devait parler plus fort, ou plus lentement. Flavien a ri. Non, pas plus fort, pas plus lentement. Mais PAS en même temps. Il est vrai que j'avais tendance à parler à Marguerite en même temps que X-Man parlait à Flavien. Les conversations se sont donc unifiées. Flavien a remarqué notre voiture dans la rue. Il s'est mis à parler mécanique avec X-Man. Marguerite souriait, amusée. X-Boy continuait de flatter son coussin-doudou.

Flavien nous a raconté rapidement ses mésaventures avec quelques voitures.

- Vous savez, X-Man, ça me fait du bien de parler de voitures avec vous.

- Tant mieux!

- C'est parce que je n'ai pas d'amis...

- Ils n'habitent pas dans le coin?

- Non... Ils sont tous morts.

Il y a eu un bref silence. Puis j'ai éclaté de rire.

- ??? Mais quelle réplique rare!!! Avouez qu'on ne peut pas dire ça souvent dans une vie!

L'humour a pris le dessus. Car en-dedans, ça craquait de partout...

Marguerite a blagué sur la vieillesse, Flavien a raconté que son seul plaisir de boire du café était désormais terminé et que non, un thé, ça ne fait pas pareil. Flavien ne peut plus boire que du Ensure, il ne digère plus rien. Marguerite, elle, était fière de parler de leur couple qui dure depuis plus de 60 ans. Les calculs se sont faits rapidement. Flavien et Marguerite avaient donc dans les 90. Plus ou moins. Ça craquait de plus en plus dans mon cœur.

X-Boy s'est mis à hurler. À couler du nez. À vouloir explorer la maison. (Il n'aime pas le lilas, il a du goût! hahaha) Nous avons annoncé notre départ, afin d'aller soigner le petit enrhumé. Flavien nous a demandé de patienter quelques secondes, il allait récupérer notre "cadeau".

Nous nous sommes levés, j'ai visité avec Marguerite le solarium ajouté à l'arrière de la cuisine. À l'intérieur, deux balançoires. Deux chaises berçantes. Une grande télévision. Deux ou trois tables. Des plantes partout, des bouquets d'anges dodus et d'autres chats partout, mais cette fois en porcelaine. Par les grandes fenêtres qui donnaient sur la cour, on pouvait voir un petit jardin.

- Il est petit le jardin. Il rétrécit d'année en année. Il est comme nous. Hahaha.

J'ai éclaté de rire, encore une fois.

Flavien est revenu avec une enveloppe blanche dans les mains.

- Il est beau, mon jardin, n'est-ce pas?

- Oh oui. Vous faites pousser quoi?

- Des tomates et des concombres. Je ne peux plus les manger, mais Marguerite adore ça. Il faut bien qu'il y en ait un des deux qui se gâte! Le reste, on le donne à nos neveux et nièces qui nous rendent visite. Nous sommes bien entourés, nous sommes chanceux.

- En effet.

- Voilà pour X-Boy.

J'ai pris délicatement l'enveloppe. Au travers, je voyais la couleur d'un vingt dollar. Sauf que c'est le poids qui m'a surpris. Il y avait à l'intérieur beaucoup de billets. J'ai verdi, comme le gazon. X-Man a vu mon malaise. Je n'ai pas ouvert l'enveloppe. J'ai bégayé.

- Mais... mais... euh... je crois que c'est beaucoup trop... euh...

X-Boy hurlait sans arrêt.

Flavien a clos le sujet.

- X-Mom, vous en avez besoin. Pas nous. On n'a plus de besoins. Notre seule façon de survivre, c'est d'aider les autres à bien vivre. Votre fils mérite d'avoir une belle vie. Tout comme vous. Et X-Man.

- Mais on vous remercie comment???

Une larme a glissé sur la joue ridée de Marguerite. Flavien avait un fleuve au bord des paupières.

- Votre sourire suffit, X-Mom.

- Hein??? Rien que ça?!? Ben là, je peux vous le photocopier et vous faire des affiches!!!

Je suis devenue très émue. Avant que je ne fonde en larmes, j'ai pris Marguerite dans mes bras. Elle a été surprise. X-Man a ri. Je suis comme une gamine, j'oublie parfois que les gens ne sont pas tous dans ma famille... Flavien a déposé deux bisous discrets sur mes joues, puis j'ai pris les mains de Marguerite.

- Je vais revenir vous voir avec la Minivan...

- D'accord. Vous êtes toujours les bienvenus.

***

Nous avons installé X-Boy dans son siège puis nous avons pris place dans la voiture. Je serrais fort l'enveloppe contre mes cuisses. X-Man a murmuré:

- X-Mom, regarde...

Derrière la porte-moustiquaire, Flavien et Marguerite nous envoyaient la main vigoureusement. Je les ai salués en retour. Jusqu'au bout de la rue, ils sont restés bien droits, derrière la porte. À nous regarder partir.

J'ai versé quelques larmes. Je n'en pouvais plus. Les souvenirs de mes grands-parents qui faisaient le même rituel à chaque départ. Les souvenirs de mes étés en leur compagnie. Les souvenirs des parfums de bonbons à la menthe et de rhubarbe fraîchement coupée.

X-Man m'a serré la main.

- Ça va aller, X-Mom.

- Mais... mais... ils sont si vieux, X-Man... je ne suis pas capable...

- Je sais, X-Mom. Ça me fait le même effet...

- Je vais revenir les voir dès que j'ai la nouvelle voiture!

- Il va falloir que tu fasses ça vite...

- ???

- X-Mom.. ils n'en ont plus pour longtemps, tu sais.

- ...

- Je viendrai avec toi. X-Boy aussi. Promis.

X-Boy s'était assoupi.

J'ai fermé les yeux pour cesser de pleurer. Pour retrouver ma bonne humeur.

- Quand j'aurai leur âge, je veux faire pareil. Je veux donner à des enfants qui ont des besoins particuliers. Je veux aider des familles.

- Moi aussi, X-Mom.

- Je veux qu'on soit des Marguerites et des Flaviens, d'accord?

- D'accord.

- Mais... pour le lilas et les chats... on peux-tu laisser faire?

***

jeudi 20 juin 2013

Promis juré.

Contrairement à ce que présumait ironiquement "Une femme libre", je ne mijotais pas un billet de blogue pour annoncer mon engouement pour la course à pied. Seuls les fous ne changent jamais d'idée, mais je n'aime pas courir, jogger, appelez ça comme vous voulez. Au primaire, j'adorais faire des sprint, puis le prof d'éducation physique que j'ai eu au secondaire m'a tellement traumatisé avec mon incompétence à faire de la course saut de haie que bon, je hais la course désorm-hais. Oooouuu, les jeux de mots.

Comme diraient les Dragons à la tivi: Je passe.

À mon sujet principal.

***

Vous savez tous que j'ai organisé une levée de fonds avec la LNI pour X-Boy, afin de nous procurer la X-Boy-Mobile-adaptée.

Ce que vous ne savez pas, c'est cette histoire que voici.

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Après avoir été interviewée par une journaliste du journal officiel de Ste-Banlieue, il y a eu parution d'un superbe article qui a fait la une du cahier week-end. (le rêve culturel pour une cultivée comme moi ouiiii!). À la toute fin de l'article, j'avais autorisé la diffusion de mon numéro de téléphone afin de permettre aux gens qui n'ont pas internet de communiquer avec moi.

Deux jours après la publication, le téléphone a sonné. Mais l'appel a été logé sur le cellulaire de X-Man. Du coup, X-Man a un peu pesté:

- Tu sais bien, X-Mom, que je ne veux pas mêler le travail et la levée de fonds. D'ailleurs, c'est quoi l'idée d'avoir donné MON numéro de cellulaire au travail???

- JE n'ai PAS donné TON numéro. J'ai mis le nôtre, à la maison.

- Mmm. Ça va pour le nôtre, mais TU gèreras les appels.

- Oui X-Man. JE gèrerai tous les appels. On s'était entendu là-dessus. C'est "MON PROJET" et blablabla, pas question que tu mêles tes clients à mon projet et blablabla. (X-Man est très strict quant à son travail. C'est parfait ainsi. J'aime les gens de principes)

- Bon.. alors qui est-ce qui a donné MON numéro au boulot?

- Pas moi. (On peut répéter souvent dans un couple.) Quelqu'un de la librairie "Z"? (La librairie "Z" a accepté d'être le point de vente des billets de la levée de fonds. Et ce n'est pas une plogue de X-Man. Je suis allée démarcher moi-même. Avec sa réputation comme garantie, héhéhé!)

- Mmm. Mais bon, écoute le message sur MON téléphone et prends-le en note. Parce que je vais...

- "l'effacer"... je sais, je sais, tu ne veux pas mélanger les affaires et "mon" affaire. (radote radote, on se prépare pour la retraite)

J'ai écouté le message. Pris en note le numéro. Et j'ai rappelé la dame à la voix sympathique et plutôt directe.

- Bonjour Madame ***? Je suis X-Mom, la maman de X-Boy.. Vous m'avez laissé un message pour la levée de fonds...

- Oui! Bonjour X-Mom! Vous allez bien?

- Oui et vous?

- Très bien! Écoutez, je vais aller droit au but. Je veux vous faire un don de 1000$.

- ??? Pardon... 1000$??? Mais voyons... c'est beaucoup trop... 20$ ça fait l'affaire, vous savez...

- Ah non. J'insiste.

- Mais voyons donc, Madame ***, je ne vous connais même pas...

- Ah mais moi je vous connais!

- Hein? Mais votre nom ne me dit rien...

- Ce n'est pas mon vrai nom. Je ne veux pas que vous sachiez qui je suis. Mais je peux vous dire que je vous vois quelques fois avec X-Boy et que vous êtes si belle à voir avec lui... et lui si souriant... que je veux vous aider.

- Vous me voyez quelques fois??? Mais où?

- Je ne vous le dirai pas... Je veux garder l'anonymat.

- Mais c'est beaucoup trop...

- Non non non. Si vous saviez. Je n'ai pas d'enfants. Mon mari est décédé il y a deux ans et j'ai un héritage qui dort. J'attendais une cause comme la vôtre pour donner...

- ... Je suis sans mot. (Ça m'arrive, ooooh.)

- Vous le méritez, X-Mom. Vous êtes une maman tellement dynamique et qui est toujours de bonne humeur.

- Ben voyons donc... Il y a d'autres mamans heureuses...

- Peut-être, mais elles n'ont pas toutes un X-Boy..

- Mmm. Je dois accepter votre don... j'imagine que c'est non-négociable...

- Vous avez bien compris. Je vous envoie un chèque par la poste.

- Ah ah. Mais je verrai votre nom!

- Promettez-moi que vous ne ferez aucune recherche. Je ne veux pas être harcelée par la suite.

- Je vous le promets. Je vous respecterai et je vous comprends. Mais je vous remercie comment?

- En gardant le silence. Et en continuant à sourire autant avec X-Boy.

- Promis juré.

J'ai raccroché en souriant. Deux jours plus tard, j'ai reçu le chèque, l'ai déposé. Et je n'ai pas lu le nom sur le papier.

Néanmoins, je regarde plus attentivement les dames plus âgées que je croise.

Allez savoir, je leur souris à toutes et je les salue discrètement.

Un jour, peut-être, je reconnaîtrai la voix.

Et je continuerai mon chemin, en silence.

Promis juré.

lundi 10 juin 2013

Un os à gruger en attendant!

J'ai trop ri en lisant ce commentaire d'une lectrice qui me suggère de vous donner un os à gruger en attendant... question que vous n'appeliez pas la police à nouveau! Rhôôô!

Soyez rassurés, je suis encore en vie!!! Mais oooooocuuuuuuupppppééééeeeeee! C'est dingue!!!

Avec la levée de fonds à coordonner, X-Boy et ses médicaments, X-Boy et sa grippe d'homme, X-Boy et ses nuits courtes...

Bref, je cours partout partout! Je serai presque tendance à courir ainsi! (C'est moi ou la tendance de tout un chacun à parler de course devient lassante? Comme s'il n'y avait que ce sport dans la vie pour être heureux? Ce sont des phases... Il y a un an, c'était le yoga-à-la-chaleur, avant le zumba, avant le Tae Boxe, avant le Capoiera...)

Je prédis que le nouveau sport sera le shopping-néobio-nus-pieds!!!

Je suis en forme, yes!

À très bientôt! Ça me manque de me dégourdir les doigts ici... j'ai une TONNE d'anecdotes à raconter...

Bon grugage de petit os. Maigre maigre maigre, l'os. Comme les coureuses!