mercredi 19 septembre 2012

Être ou ne pas être public?

Il y a deux jours, alors que je marchais tranquillement dans mon quartier, je suis arrivée nez à nez avec une affiche "inusitée" qui avait été collée (à double "tape") sur la boîte aux lettres à deux pas de chez moi.

Sur cette affiche gribouillée rapidement et remplie de fautes d'orthographe, de grammaire (et d'éthique) se retrouvait le message suivant:

"Attention!!! PÉDOPHILE!!! Monsieur Z, habitant au Z rue du Z a des tendances pédophiles. Surveillez vos enfants. Surtout les filles âgées entre 10 et 16 ans. La justice ne peut rien faire s'il n'a pas commis de crime. Soyez vigilants. Attention!"

Je suis restée estomaquée devant une telle annonce. Je suis rentrée et j'ai pris mon appareil-photo. Allez savoir pourquoi, je me suis dit: "Bon prends une photo pis tu verras ce que tu peux faire avec ça". J'étais grandement troublée par une telle accusation. Et surtout par l'audace (ou la connerie) de cette ado qui avait pris le soin d'écrire et le nom et l'adresse de ce supposé pédophile.

X-Boy est revenu de l'école. Je me suis changé les idées, puis quand X-Man est arrivé, je lui ai montré cette "affaire".

X-Man était aussi subjugué que je pouvais l'être. On en a discuté. Je tenais à faire quelque chose. Allez savoir, je trouvais horripilant que quelqu'un puisse porter atteinte à une autre personne de cette façon aussi lâche et "publique". Je ne connais pas le fond de l'histoire, je ne sais pas si les accusations sont réelles, je ne sais rien. Mais ce que je sais, c'est que dans une société aussi "rapide sur la gachette des scandales", cette affiche pouvait (et aura pu, qui sait?) créer un monstre de conséquences fâcheuses.

Cet homme a peut-être une jeune famille, une femme qu'il aime et il se fout carrément du physique des adolescentes de cet âge. Peut-être qu'il a tout simplement souri à cette ado qui se cherchait quelqu'un à haïr parce que justement, elle vient de se découvrir des seins et elle se voit paniquée? J'extrapole et je dis n'importe quoi. Mais si cet homme n'a aucun intérêt envers les adolescentes en fleur et qu'il se voit soudainement "pris dans le tordeur" et accolé du plus grand titre criminel (à mon avis) et que les gens commencent à le mépriser, voire à l'insulter, dans les rues, au boulot, à l'épicerie... c'est horrible. Sa réputation peut être détruite en moins d'une heure. Et pour toute une vie.

Et si cet homme est réellement coupable, ce n'est pas à cette ado de décider de sa sentence et de créer une possible "réprimande maison" de la part d'un père (ou d'une mère) du quartier qui a juste assez de lassitude et de colère en lui pour décider de se faire justice lui-même et de se défouler sur un con de cette espèce. Avec le nom et l'adresse, rien de plus facile.

Je suis de toute évidence archi-en-colère contre les pédophiles qui méritent de se faire écouiller et de croupir dans une cellule aux barreaux très très rugueux... mais je suis tout aussi contre cette nouvelle façon qu'ont les gens de "sortir en public" ce qui devrait être pris beaucoup plus au sérieux.

***

Je voulais téléphoner à la police. Mais X-Man était contre. "Mêle-toi de tes affaires, ça va être mieux". J'ai réagi et j'ai téléphoné à K. qui a une très bonne connaissance de la justice et des démarches "protocolaires".

Elle m'a aussi conseillé de ne rien faire. Que la police ne pouvait rien faire si ce n'était pas l'homme-en-question qui portait plainte. Que je dirais quoi, au juste, à la police?

Elle et X-Man avaient raison. Je dirais quoi?

Que je ne veux pas de "ça" dans mon quartier.

Que les "personnelles vendetta" n'ont pas sa place.

Que je suis tannée de la surabondance des messages "privés" rendus publics?

***

Après le souper, X-Man a voulu prendre une marche avec moi et X-Boy pour aller voir si l'affiche était encore là.

Elle n'y était plus.

Je ne sais pas qui l'a arrachée.

Tout ce que je souhaite, c'est que cet homme, s'il est coupable, reçoive le traitement mérité.

Et que s'il est innocent, cette ado apprenne que de "tout dire" ne veut pas dire "tout dire à n'importe qui".

Et qu'elle laisse la boîte aux lettres de notre quartier tranquille.

Déjà qu'elle apporte son lot de comptes à payer, elle n'est pas obligée de nous apporter des comptes à rendre.

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