lundi 10 décembre 2012

Vivre dans la nuit...

X-Boy s'est transformé en chat sauvage depuis les dernières semaines. Deux ou trois nuits par semaine, il se réveille soit à 2h00, 3h00 ou 4h00 et il JOUE. Oui oui, Môsieur hurle de bonheur, rigole et joue avec sa doudou pendant des heures. Car JE refuse qu'il se lève avant 6h00. Et il faut qu'il comprenne que la nuit, c'est fait pour d-o-r-m-i-r, bon.

Vous me direz: mais dors même s'il est réveillé. C'est dans le domaine de l'impossible. Il crie trop fort et toutes les 15 secondes. Et mon coeur de mère a toujours ce petit doute que "et s'il fait une crise d'épilepsie et que c'est un signe avant-coureur?". Alors hein, je ne réussis pas à m'endormir et au matin, j'ai les yeux petits comme ceux d'un hamster. Et l'énergie à - 140.

Cette nuit, X-Boy a remporté la médaille du "tu-fais-vraiment-chier-à-cette-heure-là-mon-bonhomme".. Il s'est réveillé à 1h15!!! Je croyais halluciner. Je l'ai recouché (car il joue assis) aux demies-heures mais RIEN à faire. Il n'a jamais baillé... ni pleuré de fatigue...

X-Man a pris le relais à 7h00 et je me suis recouchée à 7h30. X-Boy s'est endormi à 8h30 et nous nous sommes réveillés à 11h00 cet avant-midi. Une telle routine abracadabrante, ça te "scrappe" une journée... J'ai quand même décidé que X-Boy irait à l'école, question qu'il conserve sa routine de "jour". Et que je récupère.

S'il y a un état d'être que je déteste, c'est celui-ci. Celui d'avoir l'impression de n'avoir plus de cerveau, plus de réflexes. Juste cette envie de dormir pour toute les heures à venir...

***

Alors je me change les idées et je vous raconte mon bref séjour au Maroc la semaine dernière:

Je suis allée au Maxi avec X-Boy jeudi dernier, en après-midi, puisque c'était une pédagogique et que toute la matinée, nous avions dormi. X-Boy s'était levé à 3h00 cette nuit-là...

J'étais dans une belle humeur et X-Boy aussi. On se baladait dans les allées en se faisant des cris comme nous deux pouvons les faire. Au diable les autres clients qui nous dévisagent. J'avais décidé que j'aurais tout le plaisir du monde à faire des emplettes cette journée-là.

Au détour d'une rangée se trouvait un jeune homme à la peau basanée aux cheveux très noirs. Il tenait en ses mains une tablette avec des feuilles. Je me suis dit: "Ah non, pas un vendeur de cossins...".

J'ai roulé malgré moi vers lui et il m'a souri. Des dents splendides. Un sourire très franc. X-Boy s'est même retourné, ce qui m'a grandement surprise...

- Bonjour Madame! Bonjour Petit Garçon! Tu es grand, toi! Tu t'appelles comment?

- Il s'appelle X-Boy.

- X-Boy? Quel beau prénom. Moi c'est Amin. Tu peux dire Amin, X-Boy?

- ... X-Boy ne parle pas...

- Oh je sais, mais il comprend ce qu'on lui dit.

- Vous croyez?

- Bien sûr. Regardez comment il me regarde. Il m'a souri, aussi.

En effet, X-Boy n'en avait que pour ce jeune homme à la chemise aussi blanche que ses dents. Ébaubie étais-je.

- Je suis là pour vous proposer la carte de crédit "Choix du Président"...

Il m'a expliqué les procédures, les avantages et tout le reste. Ce qui m'a intéressée, le 5$ de rabais qui serait immédiatement appliqué à la caisse cette journée-là! Je ne suis pas cheap, mais bon, les sous ne poussent pas dans les plats de plastique qui jonchent le sol dans notre maison, malheureusement. Héhé.

J'ai pris le coupon-rabais, puis je me suis surprise à poser des questions personnelles à cet Amin-venu-de-je-ne-savais-où. Faut croire que le manque de sommeil m'avait fait oublier que justement, je n'aime pas qu'on me pose des questions personnelles dans un lieu public. Mais il était tellement gentil et il répondait sans froncer les sourcils.

J'ai donc appris qu'Amin venait du Maroc, qu'il était au Québec depuis trois ans et que non, il ne s'habituerait jamais à l'hiver. Je l'ai rassuré, moi non plus, pure Québécoise, je ne m'y habituerai jamais et je hais geler des pieds. On a bien rigolé. Sans qu'il ne me pose la question, je lui ai parlé du handicap de X-Boy. Il a sourcillé.

- Il est handicapé?

- Bien oui.. c'est évident, non?

- Ah non. C'est un petit garçon qui a des lunettes. C'est tout ce que je vois ici.

- Mais il a quatre ans et il ne parle pas. Ni ne marche encore.

- Peut-être, mais moi, j'ai un grand frère handicapé qui a 40 ans et lui, il a vraiment "l'air" handicapé, a-t-il répliqué en riant aux éclats.

- Vous êtes marrant! Vous riez ainsi de votre frère handicapé?

- Je n'ai jamais ri de lui. Mais au Maroc, avoir un enfant handicapé, c'est un cadeau que la vie nous envoie. Nous avons un dicton qui dit qu'avec un enfant handicapé viennent la richesse, la bonté et l'amour. Et je vous jure, avant la naissance de mon frère (le premier de quatre enfants), mes parents étaient très pauvres. Puis, au fil des ans, mon père a trouvé un emploi payant et maintenant, nous vivons très bien.

- Vous avez un dicton de bonheur raccroché à ce qui, ici, est considéré comme un des plus grands malheurs qui puisse arriver à une famille??? Je suis sous le choc.

- Les mentalités sont très différentes, en effet. Au Maroc, personne ne rira d'une personne handicapée, puisqu'elle fait partie d'une famille. Moi, je suis le plus jeune et je me promenais souvent avec mon grand frère (qui ne marche pas, ni ne parle et qui est tout "croche") et je n'attirais aucun regard. Aucun commentaire. C'est ainsi.

- Je déménage!!! Ici, les gens courent pour nous poser des questions, poser leurs diagnostics, nous pointer du doigt...

- J'ai remarqué, en effet. Vous faites partie d'un pays pourtant très ouvert, qui accueille les immigrants.. mais les gens différents de votre propre "famille", vous ne les acceptez pas?

- Mmm. C'est facile de généraliser... parce que mon entourage accepte mon fils tel qu'il est. Et il va dans une école spécialisée qui est remplie de gens qui ne voient plus les différences.

- En effet, on a tous tendance à généraliser... Je ne voulais pas heurter vos valeurs...

- Tut tut tut, aucunement! J'aime bien discuter d'ouverture d'esprit...

- Vous aimez beaucoup votre fils et ça paraît. C'est vous que j'entendais rire dans l'autre rangée?

J'ai rougi.

- Euh... oui... J'avais décidé qu'aujourd'hui, je sortais X-Boy et qu'on s'amusait en se foutant des autres... C'est drôle, hein?

- Oui. Et c'est parfait ainsi. X-Boy est heureux d'être avec vous. Il est tellement beau, votre fils.

- Merci.

J'ai rougi. Encore.

- Je peux lui donner un bisou sur la joue? Je m'ennuie de mon frère.

- Allez-y.

Il s'est penché et a donné un léger bisou sur la joue de X-Boy. Puis, il lui a murmuré une phrase en arabe.

C'est à ce moment que X-Boy s'est tourné vers lui, a sourcillé puis lui a donné le livre avec lequel il jouait depuis toutes ces minutes à nous écouter discuter dans l'allée des biscuits.

Amin a saisi le livre, lui a montré le canard jaune puis X-Boy s'est esclafffé. Il riait aux larmes.

Amin m'a pris la main puis m'a souhaité une bonne journée.

Car il devait continuer son boulot.

***

Je ne saurai jamais ce qu'il a dit à X-Boy, je ne connais pas cette langue.

Mais je sais que X-Boy a compris.

Et que Amin se souviendra toute sa vie de ce rire venant d'un petit Québécois, un après-midi de décembre.

Amin ne s'habituera jamais à l'hiver, mais peut-être aura-t-il moins froid en pensant à mon fils.

Enfin je le lui souhaite, en pur Québécois... d'avoir moins frette mon Joe.

Et de vivre heureux au printemps qui lui chauffera la couenne.



7 commentaires:

  1. Wow! J'en ai les larmes aux yeux...
    Je crois que je l'aurais invité à souper, le gentil Amin!
    C'est fou comme des fois les gens sont fins. Ça change des cons!

    RépondreSupprimer
  2. Je suis comme le commentateur précédent, la larme à l'oeil! Vous avez l'art de nous faire brailler, chère Xmon, avec votre quotidien si simple et pourtant si extraordinaire. Merci!

    RépondreSupprimer
  3. Wow, j'ai les larmes aux yeux en lisant ton billet! Ça donne envie d'en croiser un Amin sur notre chemin :-)

    RépondreSupprimer
  4. A quel Maxi il est que j'aille chercher une dose de pur bonheur??? :)

    RépondreSupprimer
  5. Quelle belle expérience... Y'a des êtres qui arrivent comme ça, quelques fois, pour nous apprendre des choses et ensoleiller notre journée. Cette rencontre fut forcément magique et j'en suis certaine, sera imprégnée à tout jamais dans votre voeur...

    RépondreSupprimer
  6. Tellement beau, digne d'un conte de Noël!

    RépondreSupprimer